
Lors de l’expansion de son réseau de franchises en Amérique du Nord (notamment au Québec), un franchiseur peut-il utiliser sa convention modèle française (ou européenne) ou doit-il en faire rédiger une nouvelle par pays, par province (au Canada) ou par état (aux États-Unis)? Avant de répondre à cette question, il est important de savoir que :
- Le régime légal fondé sur le « droit commun » des provinces canadiennes (sauf pour le Québec) et des États-Unis est différent de celui de « droit civil » du Québec (et, encore plus, de la France et de plusieurs pays européens);
- Plusieurs termes (notamment en matière légale et financière) utilisés dans un contrat peuvent aussi être différents au Canada et aux États-Unis qu’en France et en Europe. Par exemple, le mot « hypothèque » reconnu en droit civil n’est pas utilisé en Amérique du Nord, sauf au Québec;
- De la même manière, plusieurs termes couramment utilisés en France et en Europe ne le sont pas en Amérique du Nord ou, encore, y ont un sens différent, et vice-versa;
- Certains principes légaux (notamment en matière de bail et de sûretés) sont aussi différents au Québec, au Canada et aux États-Unis. Par exemple, les clauses pénales qui sont admises en droit québécois peuvent être jugées illégales dans d’autres juridictions où elles peuvent quand même parfois être remplacées par des clauses de dommages-intérêts liquidés qui atteignent des objectifs semblables;
- Enfin, dans les six provinces canadiennes (Île-du Prince-Édouard, Nouveau Brunswick, Ontario, Manitoba, Alberta et Colombie britannique) et dans l’ensemble des États-Unis où l’on retrouve des lois et/ou des règlements en matière de franchisage, les contrats nécessitent généralement l’inclusion de certaines mentions obligatoires et doivent tenir compte de certaines restrictions imposées par ces lois et règlements.
Compte tenu de ce qui précède, il est quand même possible pour plusieurs franchiseurs d’utiliser leur convention modèle pour son développement au Québec et en Amérique du Nord.
Pour ce faire, le franchiseur devra cependant compléter avec soin et avec l’aide d’avocats experts en franchisage (autant dans sa juridiction d’origine que dans la province ou l’état visé par son développement) les trois étapes suivantes :
1. La traduire
Pour tous les endroits où la langue principale des affaires n’est pas le français, le contrat devra en premier lieu être traduit dans la langue dans laquelle il doit être utilisé.
Il est généralement préférable que cette traduction soit faite en premier lieu, et localement, ce qui, selon notre expérience, est moins dispendieux et permet au franchiseur d’avoir en main un exemplaire de son contrat domestique dans cette nouvelle langue.
Aussi, un contrat déjà traduit facilitera d’autant le travail d’adaptation qui devra être fait dans la province canadienne ou l’état américain cible, entraînant ainsi des économies de temps et de coûts pour le franchiseur.
Compte tenu de l’importance d’avoir un bon contrat dans la province canadienne ou l’état américain visé, cette traduction doit être faite par un traducteur juridique expérimenté. Ceci implique donc un investissement relativement important, mais bien moindre que l’utilisation d’un contrat mal traduit dont les conséquences peuvent être désastreuses pour le franchiseur et son réseau.
2. L’adapter
Une fois la convention de franchise traduite, la deuxième étape consiste à l’adapter à la province canadienne ou l’état américain dans lequel le franchiseur veut l’utiliser.
Les objectifs de cette adaptation consistent à faire en sorte que :
- Les mots, termes et expressions utilisés dans la convention soient appropriés à cet endroit ou, sinon, remplacés par des mots, termes et expressions appropriés;
- Les clauses de la convention soient légales et exécutoires dans cette juridiction ou, sinon, remplacées par des clauses permettant de protéger le mieux possible les intérêts du franchiseur;
- S’il y en a, des clauses additionnelles reconnues dans cette juridiction pour bien protéger les intérêts d’un franchiseur, et celles nécessaires pour respecter les lois et les règlements applicables, soient ajoutées à la convention.
Afin de bien atteindre ces objectifs, il est généralement préférable que cette adaptation soit faite par un avocat expert en franchisage exerçant dans la juridiction concernée. Cependant, puisque le régime légal est très semblable parmi les provinces canadiennes (à l’exception du Québec), il est souvent possible de faire procéder à cette révision par un seul et même cabinet d’avocats pour l’ensemble des provinces canadiennes autres que Québec. Il en va de même pour les États-Unis où les grands cabinets d’avocats experts en franchisage sont en mesure de préparer des contrats pouvant être utilisés dans les divers états de ce pays.
3. La réviser
Une fois la convention de franchise traduite et adaptée, il sera nécessaire que le franchiseur, ainsi que son avocat expert en franchisage, révise le produit final avant que cette convention ne soit signée par un premier franchisé dans une canadienne ou un état américain.
Cette révision est importante pour s’assurer que cette convention rencontre bien les besoins du franchiseur, qu’elle protège bien ses intérêts et, encore plus important, qu’elle reflète bien le mode opératoire du franchiseur et de son réseau dans ce nouveau marché (lequel peut être différent du mode opératoire du franchiseur dans son marché domestique).
Voici quatre conseils pratiques concernant la convention utilisée par un franchiseur dans une province canadienne ou un état américain :
A. Impliquer son avocat expert en franchisage
Croyant réaliser ainsi des économies, certains franchiseurs choisissent eux-mêmes un avocat dans la province canadienne ou l’état américain dans lequel ils souhaitent développer leur réseau et transigent par la suite directement avec ce dernier sans impliquer, dans ce développement, leur avocat expert en franchisage dans leur marché domestique.
L’expérience démontre que cette façon de faire suscite un certain nombre de problèmes et de délais, entre autres (i) parce que l’avocat dans le nouveau marché soulèvera tout probablement diverses questions et difficultés d’ordre juridique à laquelle le franchiseur ne pourra que difficilement bien répondre et dont il risque de sous-estimer l’importance et les risques, (ii) parce que cette manière de procéder laisse une plus grande latitude, et moins de balises, au nouvel avocat à l’égard de l’étendue de ses services, ce qui risque de faire augmenter les coûts pour le franchiseur, et(iii) parce que, comme mentionné précédemment, il est important que le franchiseur et son conseiller juridique expert en franchisage révisent le contrat final préparé pour une autre juridiction.
Aussi, l’avocat expert en franchisage pourra aider grandement le franchiseur dans la recherche et la sélection d’un cabinet approprié dans la province canadienne ou l’état américain ciblé.
B. Évaluer sérieusement la possibilité de faire rédiger un nouveau modèle de contrat mieux adapté au marché visé
De manière générale, et bien qu’il y ait des exceptions, l’on peut dire que les conventions de franchise utilisées au Canada et aux États-Unis se ressemblent en bonne partie. Elles présentent cependant plusieurs différences importantes avec les contrats généralement utilisés en France et en Europe.
Ainsi, bien qu’il soit quand même possible d’utiliser en Amérique du Nord le modèle de convention de franchise d’un franchiseur français ou européen après y avoir apporté un certain nombre de changements, cela n’est pas toujours la meilleure solution.
Même adaptée. cette convention de franchise ne ressemblera pas à celles utilisées au Canada et aux États-Unis, ce qui risque de rendre plus difficiles sa négociation et, au besoin, son exécution devant un tribunal ou un arbitre.
Dans certains cas, le coût d’adapter le contrat peut égaler, voire dépasser, le coût de la rédaction d’un nouveau contrat approprié pour la province canadienne ou l’état américain ciblé.
Avec l’assistance de ses avocats experts en franchisage (autant celui dans son marché local que celui retenu dans le nouveau pays visé), un franchiseur devrait donc, avant d’entreprendre le travail d’adaptation de son modèle de convention de franchise, vérifier s’il ne serait pas préférable pour lui d’utiliser, dans ce nouveau pays, une nouvelle convention de franchise rédigée selon les méthodes reconnues dans ce pays
C. S’assurer de bien comprendre la convention utilisée dans un autre pays
Qu’il s’agisse d’une convention traduite et adaptée ou d’une nouvelle convention, il est toujours nécessaire que les dirigeants du franchiseur s’assurent de bien comprendre la convention de franchise utilisée dans une autre juridiction.
Dans le cas où cette convention est dans une langue que les dirigeants du franchiseur ne comprennent pas bien, il peut s’avérer nécessaire de faire retraduire la version finale de cette convention dans une langue que les dirigeants du franchiseur peuvent lire et comprendre.
Ceci permettra au franchiseur de s’assurer, à la fois, de la qualité de la traduction et du fait que cette convention atteint bien ses objectifs et reflète bien le mode opératoire prévu dans ce nouveau marché.
Il est toujours périlleux de signer avec des franchisés, à quelque endroit que ce soit, un contrat que les dirigeants du franchiseur ne comprennent pas bien eux-mêmes.
D. Prévoir une clause de médiation et une clause d’arbitrage en cas de différend
Afin d’éviter de se retrouver devant un tribunal étranger en cas de différend avec un franchisé, si la convention de franchise du franchiseur ne stipule pas déjà une telle clause, il est important d’y ajouter une clause de médiation et, pour le cas où la médiation ne suffit pas pour résoudre le différend, une clause d’arbitrage obligatoire devant un arbitre ou un organisme d’arbitrage reconnu internationalement.
En vertu d’une convention internationale (la Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères), les sentences arbitrales peuvent être reconnues et exécutées rapidement dans la plupart des pays industrialisés.
Aussi, aujourd’hui, plusieurs arbitres et organismes d’arbitrage permettent l’arbitrage en ligne, ce qui permet d’éviter des coûts importants de déplacement.
La rédaction d’une clause de médiation et d’une clause d’arbitrage dans une convention de franchise nécessite doit cependant être faite par un avocat expert dans ces domaines puisqu’elle doit être complète et bien adaptée aux besoins et aux ressources du franchiseur. Une telle clause doit en effet couvrir un certain nombre de sujets quelque peu technique (tels, par exemple, le siège de la médiation ou de l’arbitrage, la loi applicable, la ou les langues utilisées, les qualifications exigées du médiateur ou de l’arbitre, le mode de sélection du médiateur ou de l’arbitre, le règlement de médiation ou d’arbitrage utilisé, les délais et les échéances, etc.).
Me Jean H Gagnon Avocat au cabinet Fasken