Les grincements et les défis de la phase de réouverture et de reprise des affaires

FBC- Maître Jean H Gagnon
FBC- Maître Jean H Gagnon
Me Jean H Gagnon du cabinet d’avocats Fasken

 

Comme plusieurs experts l’ont prédit, le déconfinement suite à une crise s’avère, sur bien des plans, une étape beaucoup plus compliquée que le confinement.

Ceci est autant vrai pour les entreprises, dont les réseaux de franchises, pour lesquelles la reprise des affaires est une opération beaucoup plus délicate et complexe que ne l’a été la fermeture pour certaines entreprises et les restrictions (de clientèle, de modes d’exploitation et d’heures d’affaires) pour d’autres.

Les fermetures temporaires obligatoires et les restrictions et conditions pour les entreprises qui sont demeurées ouvertes étaient imposées par des autorités gouvernementales dans un contexte de crise.

 

Les franchiseurs que les franchisés n’avaient alors d’autre choix que de composer avec ces règles et de s’y adapter le mieux possible.

 

En outre, et ceci est important pour diminuer la résistance à un changement, tout le monde (ou presque) comprenait bien les raisons et l’urgence de ces restrictions et de ces règles.

Après un certain chaos au cours des premiers jours de la crise, la plupart des réseaux de franchises ont rapidement pris les mesures nécessaires pour s’adapter à cette nouvelle réalité.

Le déconfinement et la reprise des affaires sont aussi assujettis à une série de règles imposées par les autorités publiques auxquelles les réseaux de franchises doivent, encore une fois, s’adapter.

 

Pour un franchiseur, cette nouvelle étape de la crise de la COVID-19 soulève cependant deux autres défis importants soit

 

  • les modifications requises au modèle d’affaires et aux processus d’exploitation de son réseau de franchises pour respecter les nouvelles règles imposées par les autorités publiques (qui entraînent, à la fois, des coûts additionnels et certaines limitations à la capacité de générer des revenus) tout en maximisant les chances pour les entreprises franchisées de reprendre dès que possible le chemin de la rentabilité, et
  • la mise en œuvre d’un retour à des opérations complètes dans un contexte commercial largement modifié (notamment au chapitre des habitudes de consommation).

 

Il faut aussi changer encore une fois certaines habitudes et façons de faire acquises pendant la période de fermeture ou d’exploitation restreinte.

Tout comme pour les règles de confinement, de fermeture et de limitation aux activités, franchiseurs et franchisés n’ont d’autre choix que de respecter les règles de protection de la santé émises par les autorités publiques.

Cependant, et contrairement à ce qui s’est produit lors du confinement et des fermetures forcées au début de la crise, l’on assiste quand même, dans cette phase de réouverture et de reprise des affaires, à certains questionnements et, même, à certaines récriminations, ce qui s’explique, en partie, par le fait que le raisonnement soutenant les phases et les étapes de réouverture et de reprise des affaires est moins clair pour plusieurs que ne l’était le raisonnement justifiant initialement le confinement, la fermeture obligatoire et les restrictions.

De la même manière, des franchisés peuvent remettre en question certaines normes, règles et directives émises par le franchiseur lui-même, notamment celles visant à assurer un retour rapide à la pleine exploitation des entreprises franchisées.

Quelques franchiseurs se voient donc aujourd’hui confrontés à une résistance, voire une opposition, de certains de leurs franchisés au retour à la normale et aux nouvelles normes d’exploitation mises de l’avant par le franchiseur pour favoriser le retour à la rentabilité des entreprises franchisées.

Les médias ont récemment fait état de la résistance des franchisés d’un grand franchiseur américain de restauration rapide au rétablissement du menu complet de leurs restaurants franchisés, lequel avait été allégé pendant la période de fermeture obligatoire de leurs salles à manger, ainsi que d’un autre grand franchiseur dont les franchisés s’opposaient à la reprise d’une importante promotion d’avant crise.

Nous avons aussi été récemment témoins de résistance de la part de franchisés à un rétablissement des jours et heures d’affaire pré-crise ainsi qu’à un élargissement (au niveau antérieur à la crise) de la gamme de produits et de services offerts par le réseau.

L’un des motifs invoqués au soutien de cette résistance est l’augmentation prodigieuse des ventes en ligne (et de commandes téléphoniques) pendant la crise, ce qui fait craindre à plusieurs que beaucoup de clients ne soient pas au rendez-vous à la réouverture de leurs établissements.

 

Évidemment, un nouvel équilibre devra s’établir entre, d’une part, les ventes et les transactions faites en totalité ou en partie, en ligne et, d’autre part, les ventes en magasin.

 

Derrière les arguments invoqués pour s’opposer à un plein retour aux activités d’avant crise et aux nouvelles normes du franchiseur, ce à quoi sont aujourd’hui confrontés plusieurs franchiseurs est avant tout un cas classique de résistance au changement, laquelle est exacerbée par un climat d’insécurité et d’incertitude quant à l’avenir à court, à moyen et à long terme, par le manque à gagner subi pendant la crise et par divers problèmes liés au retour au travail de plusieurs employés des entreprises franchisées.

Dans le monde de l’après COVID-19, le retour à des activités complètes et les changements au sein d’un réseau de franchises deviennent, pour plusieurs réseaux, une condition essentielle à leur pérennité dans ce tout nouvel environnement.

 

Que faire en cas d’opposition ou de résistance,

 

active ou passive, au retour à la pleine exploitation des entreprises franchisées ou à une ou plusieurs des nouvelles règles et normes mises de l’avant par le franchiseur ?

En premier lieu, il convient d’agir rapidement.

Plus une telle situation perdure, plus il deviendra difficile de la rectifier. Le franchiseur doit donc rapidement démontrer son leadership du réseau et maintenir une cohérence et une uniformité parmi les entreprises franchisées.

À ce moment-ci, plusieurs marchés sont en phase de changements à la fois importants et très rapides au terme de laquelle il y aura de nouveaux leaders et des entreprises qui auront perdu des parts de marché.

Un franchiseur doit donc rapidement s’assurer que son réseau offre à sa clientèle une gamme et une disponibilité de services, et une expérience d’achat, qui réponde bien à ses attentes. Il ne peut permettre longtemps des décisions ou des gestes anarchiques ou chaotiques de la part de franchisés.

En deuxième lieu, on résiste beaucoup plus à un changement qui nous est imposé qu’à un changement auquel on a activement participé.

C’est un principe fondamental en matière de gestion du changement :

En troisième lieu, nous vous proposons les trois conseils suivants en matière de changement :

  1. Donnez toujours priorité à l’intérêt du réseau dans son ensemble sur l’intérêt de l’un ou l’autre de ses membres (franchiseur ou franchisés);
  2. Évitez de surprendre vos franchisés. L’effet de surprise est un facteur qui augmente le risque et le niveau de résistance au changement. À l’inverse, la prévisibilité est un facteur qui favorise la confiance. Il est donc pertinent de préparer vos franchisés le plus tôt possible à l’égard des changements prévus;
  3. Expliquez clairement aux franchisés les raisons qui amènent le franchiseur à apporter les changements qui les affectent, et ce, idéalement avant leur mise en œuvre. Mieux un changement et les raisons qui le sous-tendent sont compris, moindre sera la résistance à celui-ci.

Il est aussi beaucoup plus facile d’expliquer un changement avant de l’implanter que de le justifier par après.

Jean H, Gagnon, Ad.E., Avocat, Fasken (Québec, Canada)

 

 

 

 

 

 

 

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