Franchise et déséquilibre significatif : avis de coup de vent.

Un petit rappel sur ces questions s’impose.
La Cour d’appel de Paris a emboité le pas du Tribunal de Commerce de Paris. Un jugement du 13 octobre 2020 sur saisine du Ministre de l’Economie (dont appel) a secoué le landernau pourtant paisible de la franchise, car épargné jusque là par les sanctions au titre du déséquilibre significatif dans les contrats (Article L442-1du code de commerce).

La Cour d’appel de Paris prend une position proche par un arrêt du 5 janvier 2022.

Passés au crible par la DGCCRF, les contrats de franchise en cause sont détricotés. En oubliant juste que la franchise est un contrat atypique où l’une des parties transmet son savoir-faire, concède ses marques et assiste son franchisé, pour lui donner les moyens d’une réussite commerciale. 

Mises en cause avec audace ou impéritie par le Ministre, certaines clauses sont validées comme ne créant pas de déséquilibre significatif :

1. La clause relative au paiement du droit d’entrée et à la formation :
     – Versement d’un droit d’entrée de10.000€à,
     – En cas d’échec à la formation ou en l’absence d’ouverture du restaurant dans les deux ans suivant la signature, la somme de 10.000€ n’est pas restituée.

2. La clause relative au paiement des redevances, à la gestion du point de vente et aux pénalités/intérêts de retard:
    – Alors que le Ministre défend ardemment e logiquement, le respect des délais de paiement, il contestait une clause emportant prélèvements hebdomadaires des redevances assortie de pénalités de retard.
    – Sur les redevances de publicité, le Ministre de l’Economie n’a pu démontrer un déséquilibre significatif.
    – Concernant la consultation des documents comptables des franchisés par le franchiseur ou un tiers mandaté, le tribunal écarte le déséquilibre significatif : la clause supervise l’activité et la gestion quotidienne des franchiseurs et entre dans le devoir d’assistance du franchiseur.

3.Clause relative à l’exonération de responsabilité du franchiseur en cas d’échec économique du franchisé.
   – Le Tribunal écarte la portée juridique de la clause, car située dans le préambule…

4. Langue de rédaction
   – Un contrat rédigé en anglais et en français avec la version anglaise faisant foi, n’emporte pas de déséquilibre significatif.

5. Aménagement initial des points de vente
  – Pas de déséquilibre si choix de l’architecte par le franchisé

6.Contrôle des points de vente par le franchiseur
  – Pas de déséquilibre, car cela entre dans le cadre des obligations du franchiseur.

7. Fixation des prix de vente et maîtrise de l’action promotionnelle
  – Pas de déséquilibre constaté en l’absence de preuve.

8. Formation dispensée au sein du réseau et sa facturation au franchisé
  – Pas de déséquilibre, en l’absence de preuve suffisante.

D’autres clauses sont sanctionnées pour déséquilibre significatif :

1.Clause relative aux horaires d’ouverture des points de vente
– Une obligation d’ouverture des restaurants tous les jours de la semaine, avec un minimum de98h, sauf autorisation du franchiseur, constitue un déséquilibre significatif, car cette obligation est non négociable et ne prend pas en compte le lieu du point de vente.

2. Assurance
-Obligation du franchisé à souscrire une assurance de responsabilité civile d’un montant minimum de garantie de1.700.000€et d’une couverture de850.000€pour les véhicules de fonction. En cas de non-respect, le franchisé doit rembourser, sans limite, tous les frais raisonnables encourus par le franchiseur pour faire appliquer cette obligation.
– L’absence de limite de remboursement par le franchisé créé un déséquilibre significatif.

3.Clauses relatives à l’absence d’exclusivité territoriale et droit du franchiseur de faire concurrence
– Possibilité pour le franchiseur d’accorder des licences à toute personne, même si elles font concurrence à un franchisé déjà établi,
-Clause de non-concurrence contractuelle du franchisé.
– La conjonction de ces deux clauses crée un déséquilibre significatif au bénéfice du franchiseur. Le TC préconise un droit de préemption du franchisé sur l’emplacement d’un ancien franchisé et la possibilité pour le franchisé de résilier le contrat de franchise en cas d’installation d’un nouveau franchisé à proximité.

4.Clauses relatives à la durée et à la résiliation du contrat
– L’exclusivité a la même durée que celle du contrat de franchise, qui est de20ans. Selon le tribunal, l’exclusivité ne peut être supérieure à 10ans et le contrat de franchise doit avoir pour durée10ans. Elle créé un déséquilibre significatif
– Résiliation du contrat: En cas de situation d’insolvabilité du franchisé, le contrat est résilié, la clause est réputée déséquilibrée car il n’y a pas de définition de l’« insolvabilité »,
– En cas de3ème manquement dans les 12 mois suivant les précédents manquements, le contrat est résilié de plein droit, la clause est déséquilibrée car le franchiseur peut prononcer la résiliation pour tout manquement, y compris pour des circonstances exceptionnelles.
– À la fin du contrat, le franchisé doit dans un délai raisonnable désidentifié le restaurant, sous peine d’astreinte de175€par jour, la clause est réputée déséquilibrée car aucune définition du délai raisonnable n’est donnée.

5.Clauses relatives au droit applicable et aux juridictions compétentes
– Le contrat est régi par le droit néerlandais et une juridiction arbitrale située à New-York ;
– Le tribunal estime que la clause est trop contraignante sur le plan juridique et culturel.

9.Clause d’intuitu personae

– Impossibilité de cession ou transmission du contrat sans l’accord du franchiseur,
– Information due par le franchisé sur tout projet ayant une incidence sur la répartition du capital /l’identité des dirigeants, avec une possibilité de rupture anticipée sans frais par le franchiseur.
– Le tribunal décide que le terme « incident » est trop vague et que l’économie du contrat supposerait un choix du franchiseur par le franchisé.

10.Clauses de cessation et de résiliation du contrat de franchise
– Résiliation au seul bénéfice du franchiseur pour des manquements qui ne ressortent pas nécessairement du contrat de franchise : violation de l’esprit du contrat/ non-paiement d’une facture auprès d’un fournisseur référencé/ non-respect par le franchisé des lois relatives à l’activité professionnelle, à la gestion et au fonctionnement de l’entreprise,
– Clause pénale applicable pour chaque manquement,
– Pas d’indemnité en cas de résiliation aux torts du franchiseur.
– Les juges estiment que l’ensemble de ces stipulations créent un déséquilibre significatif.

Les clauses déséquilibrées sont annulées…

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