Le délai légal de 20 jours est un « faux ami »

Me François-Luc Simon
Me François-Luc Simon

 

Depuis plusieurs décennies, théoriciens et praticiens de la franchise enseignent que le délai légal de 20 jours (délai de réflexion se situant entre la date de remise du DIP et la date de signature du contrat de franchise) serait le seul délai à respecter par le franchiseur. A tel point qu’une fois ce délai légal respecté, le franchiseur estime avoir « fait le job » tandis que, de son côté, le franchisé se considère rempli de ses droits. Et, de fait, on observe en pratique que 80% des DIP environ sont remis dans un délai compris entre 20 et 45 jours avant la date du contrat, compte tenu des exigences de célérité de la « vraie vie ».

C’est pourtant commettre deux erreurs, susceptibles d’être lourdes de conséquences.

Une première erreur, vis-à-vis du franchisé, car il lui appartient de se renseigner ce qui nécessite du temps : pour appréhender le concept, questionner les membres du réseau, réaliser son propre business plan et, ainsi, signer en toute connaissance de cause. Ce temps de réflexion est d’autant plus long que le franchisé est tenu de réaliser sa propre étude de marché, conformément à la solution constamment retenue par la Cour de cassation (Cass. com., 15 mars 2017, n°15-16.406; Cass. com., 5jan- vier 2016, n°14-15.702à 14-15.708; Cass. com., 28 mai 2013, n°11-27.256) et, dans son sillage, par les juridictions du fond (CA Montpellier, 27octobre 2020, n°17/04650; CA Montpellier, 22 mai 2020, n°17/05647; CA Bordeaux, 3décembre2019, n°17/01457; CA Paris, Pôle5, chambre4, 7octobre2015, n°13/09827).

Or, en pratique, la réalisation d’une telle étude ne s’envisage qu’après la remise du DIP et nécessite à tout le moins quelques semaines de délai pour être faite avec sérieux.

Une seconde erreur, vis-à-vis du franchiseur car, au plan économique, ce dernier a avant tout pour objectif de faire réussir son franchisé ; et plus le délai de réflexion sera long, plus les chances de réussite seront a priori optimisées.

Quant au plan juridique, le franchiseur sera mieux protégé au regard de la phase précontractuelle s’il respecte un délai largement supérieur au délai légal de 20 jours. Cette recommandation n’est pas le fruit d’une précaution excessive, mais la conséquence objective à tirer de l’analyse du droit positif, qui retient un délai de réflexion de l’ordre de45 à 90 jours pour considérer que le franchisé s’est engagé en toute connaissance de cause à l’issue de la phase précontractuelle. Cette solution est justifiée si l’on considère que, dans la « vraie vie », le franchisé peut avoir besoin d’un certain temps pour se déci- der, d’une durée variable en fonction notamment de l’activité, de l’importance des investissements à réaliser, du profil du candidat, etc.

C’est pourquoi, sauf cas particulier, la jurisprudence écarte la responsabilité du franchiseur au titre de la phase pré- contractuelle dès lors qu’un délai de 45 à 90 jours a été respecté :

  • CA Orléans, 7 mai 2020, n° 19/01891: soulignant que le DIP « a été communiqué à M. Y plus de deux mois et demi avant la signature du contrat de franchise » ;
  • CA Versailles, 24octobre2019, n°18/02778: soulignant que le franchisé avait disposé « d’un délai de plus de3 mois entre la remise du DIP et la signature du contrat de franchise » ;
  • CA Paris, Pôle5chambre4, 19juin 2019, n°17/05169: soulignant que le franchisé disposait « de plus de3 mois entre la remise du DIP et la signature du contrat de franchise » ;
  • CA Aix-en-Provence, 17janvier 2019, n°16/20953: évoquant un « délai largement supérieur aux 20jours légaux » ;
  • com. Paris, 19ème chambre, 13juin 2018, n°j2018000299: soulignant que le DIP avait été remis « 2 mois avant la signature » du contrat de franchise.

Ainsi, le franchiseur soucieux d’informer le franchisé dans des conditions optimales et de minimiser les chances de se voir opposer un grief relatif à l’information précontractuelle, a manifestement tout intérêt à respecter un délai de 45 à 90 jours entre la remise du DIP et la signature du contrat de franchise.

Par François-Luc SIMON du cabinet Simon associés

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