On vous a dit que la divulgation précontractuelle en franchisage n’était pas obligatoire au Québec: c’est une « fausse nouvelle »!

FBC- Maître Jean H Gagnon
FBC- Maître Jean H Gagnon
Me Jean H Gagnon du cabinet d’avocats Fasken

 

Avec Terre-Neuve et Labrador, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan, le Québec est l’une des quatre provinces canadiennes qui ne possèdent pas de loi spécifique régissant le franchisage.

Plusieurs personnes (y compris des avocats) en tirent la conclusion que, à défaut de loi sur la franchise, il n’y a pas, au Québec, d’obligation de divulgation précontractuelle en franchisage comme cela est le cas dans les six provinces canadiennes dotées de lois sur la franchise.

Une telle conclusion est inexacte :

 

Il y a bien, au Québec, une obligation de divulgation précontractuelle

 

d’un franchiseur en faveur de ses franchisés potentiels. Dans le langage juridique québécois, on la qualifie plutôt d’obligation d’information.

 

La différence avec les provinces dotées de lois sur la franchise est que le contenu précis de cette divulgation, de même que sa forme et le moment où elle doit être faite, ne sont pas spécifiés dans un règlement. Il n’y a donc pas de règles ni de normes spécifiques concernant la rédaction ou la remise d’un document d’information précontractuelle.

L’obligation d’information d’un franchiseur vis-à-vis un candidat à la franchise découle plutôt des règles du Code civil du Québec qui prescrivent que toute partie à un contrat est tenue de dévoiler à l’autre partie, avant ou au moment de la signature du contrat, tous les renseignements importants dont elle a connaissance et qui sont pertinents au contrat et à son objet.

 

Quels sont ces renseignements importants qu’un franchiseur est tenu de divulguer à un franchisé potentiel?

 

Au Québec est un « renseignement important » tout renseignement raisonnablement susceptible d’avoir un impact sur la décision du franchisé potentiel de signer la convention de franchise aux conditions qui lui sont proposées par le franchiseur.

Ces renseignements importants peuvent être autant des renseignements internes concernant le franchiseur ou son réseau que des renseignements externes (qui ne sont pas de connaissance publique) concernant, par exemple, le secteur d’activités du réseau de franchises ou sa concurrence.

À titre d’exemples de renseignements internes importants, l’on pourrait penser au fait qu’un contrat important pour le réseau de franchises prendra bientôt fin, à un litige mettant en cause les marques de commerce du réseau de franchises, à la déconfiture récente de plusieurs franchisés, à des recours importants ou multiples de clients portant sur des défectuosités de produits vendus par le réseau de franchises, etc.

La Cour d’appel du Québec a d’ailleurs déjà reconnu qu’un franchiseur était tenu de divulguer, avant la signature de la convention de franchise, à une candidate à une franchise les résultats des évaluations que le franchiseur avait faites pour ses propres fins quant aux aptitudes de la future franchisée et quant au site projeté pour la nouvelle franchise dans la mesure où ces renseignements auraient raisonnablement pu amener la franchisée potentielle à ne pas signer la convention de franchise.

Quant aux renseignements externes importants, pensons à l’arrivée prochaine d’un concurrent majeur à proximité de l’emplacement de la franchise projetée, à une diminution importante ou prolongée des ventes dans le secteur d’activités du réseau (notamment en raison d’une crise telle que celle de laCOVID-19ou d’une augmentation récente du coût des biens vendus ou utilisés par les franchisés du réseau), à des restrictions prévisibles quant aux marchandises pouvant être vendues, etc.

Ce devoir d’information du franchiseur ne remplace cependant pas le devoir du franchisé de s’informer raisonnablement quant à son projet de franchise.

Ainsi, le franchisé ne pourra que difficilement reprocher à son franchiseur d’avoir omis de lui divulguer un renseignement qui est de connaissance publique (tel, par exemple, le fait que des entreprises ont dû être fermées temporairement en raison de laCOVID-19) ou que le franchisé aurait pu facilement obtenir en faisant quelques recherches élémentaires.

Quant au moment où cette divulgation doit être faite, selon le Code civil du Québec, c’est tout simplement avant que le contrat ne soit signé. Il n’y a donc pas de délai précontractuel obligatoire.

À défaut de loi sur la franchise, cette divulgation n’a pas obligatoirement à prendre une forme particulière. Cependant, si un litige survient plus tard, le franchiseur devra être en mesure de prouver que la divulgation des faits importants a bien été faite.

 Pour cette raison, s’il y a des faits importants à être divulgués à un franchisé potentiel, bien que ceci ne soit pas obligatoire, il est fortement recommandé que cette divulgation soit faite par écrit.

 

Enfin, quelles sont les conséquences du défaut par un franchiseur de divulguer un fait important à un franchisé potentiel ?

 

La loi du Québec ne comporte pas d’équivalent du droit de résoudre que l’on retrouve dans les lois régissant la franchise.

Le recours du franchisé contre son franchiseur qui a fait défaut de lui divulguer un renseignement important est donc un recours judiciaire en annulation de la convention de franchise et en dommages. De manière générale, ce recours peut être institué dans les trois ans du moment où le franchisé a connaissance de cette omission de son franchiseur. Notons cependant que si le franchisé tarde trop avant d’instituer son recours ou de reprocher au franchiseur le fait d’avoir failli à son devoir d’information, un tribunal pourrait considérer qu’il y a eu ratification de la part du franchisé et donner une fin de non-recevoir à son recours.

En terminant, notons que le Code civil du Québec impose aussi, autant au franchiseur qu’au franchisé, une obligation générale de bonne foi, et ce, autant avant la signature de la convention de franchise que tout au long de sa durée et même après sa terminaison.

 

Me Jean H Gagnon Avocat au cabinet Fasken

 

NDLR : Vous en apprendrez plus sur le droit de la franchise au Québec et au Canada en participants au 1er e-congrès de la franchise francophone

et à la Journée Québec au 1er e-congrès de la franchise francophone

 

 

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