Les ristournes, les escomptes et les divers autres revenus accessoires d’un franchiseur sont-ils légaux?

FBC- Maître Jean H Gagnon
FBC- Maître Jean H Gagnon
Me Jean H Gagnon avocat au cabinet Fasken nous livre un article intéressant, certes basé sur le Québec mais source de réflexion pour tout pays.

 

Il y a de ces questions qui reviennent sans cesse nous hanter : les décisions gouvernementales en matière de gestion de la crise de la COVID-19, les divers effets du changements climatiques, les multiples impôts et taxes, les hausses de tarifs et, en franchisage, le droit pour un franchiseur de percevoir des ristournes et des escomptes, et de réaliser divers autres revenus, en raison des achats de produits et de services faits par ses franchisés.

Au cours des quelques dernières années, quelques grands franchiseurs américains et canadiens ont été confrontés à d’importants recours judiciaires intentés par certains de leurs franchisés invoquant notamment l’illégalité de tels revenus accessoires reçus et par le franchiseur pour son propre bénéfice.

Ces ristournes, escomptes et autres sources de revenus sont-ils légaux ou non ?

Puisque le Québec ne possède pas de loi spécifique régissant la franchise, la loi québécoise n’empêche, du moins en principe, un franchiseur d’obtenir et de conserver des ristournes, escomptes et autres revenus de la part des fournisseurs de son réseau. Cependant, ce principe n’est pas absolu et est quand même soumis à quelques règles importantes.

En premier lieu, il est important pour le franchiseur de dévoiler à ses nouveaux franchisés…

…avant ou au moment de la signature de la convention de franchise, le fait qu’il obtient, et conserve à son propre bénéfice, de tels revenus des fournisseurs du réseau.

Cette divulgation devrait aussi faire l’objet d’une clause claire dans la convention de franchise elle-même. Bien que, contrairement à ce qui se passe dans les six provinces canadiennes possédant une loi régissant la franchise, une telle divulgation ne soit pas formellement exigée au Québec par une loi ou un article de loi spécifique, les règles du Code civil du Québec exigent qu’une partie à un contrat(tel un franchiseur) dévoile à l’autre partie (tel un franchisé), avant la signature du contrat, tous les faits importants (soit ceux susceptibles d’avoir un impact sur sa décision de signer le contrat aux conditions proposées) qui sont à sa connaissance et que l’autre partie ne peut facilement apprendre d’elle-même.

En deuxième lieu, le franchiseur doit s’assurer que son contrat ne contient pas de clause limitant son droit de recevoir de tels revenus.

À titre d’exemple, une clause stipulant que l’un des avantages de la franchise consiste, pour le franchisé, à bénéficier du pouvoir d’achat du réseau de franchises, une clause stipulant que le franchiseur doit agir dans l’intérêt de ses franchisés ou une clause stipulant que les produits et services vendus aux franchisés doivent l’être à un prix compétitif constituent autant d’obstacles ou, à tout le moins, de limitations, au droit pour le franchiseur de requérir et de conserver des ristournes, escomptes et autres avantages de la part des fournisseurs du réseau.

En troisième lieu, certaines lois peuvent également poser un frein au droit pour un franchiseur d’obtenir des ristournes, escomptes et autres avantages.

Ainsi, les lois et règlements régissant la distribution des médicaments au Québec empêchent un franchiseur d’un réseau de pharmacies de recevoir des ristournes, escomptes et autres revenus de la part des fabricants de médicaments qui approvisionnent ses pharmacies franchisées.

En quatrième lieu, même si le franchiseur a bien stipulé, dans son contrat…

…le droit de recevoir et conserver des ristournes, escomptes et autres avantages de la part des fournisseurs de son réseau ne signifie pas pour autant que ce droit est illimité. En vertu des règles du Code civil du Québec, une personne qui possède un droit doit l’exercer « selon les exigences de la bonne foi ».

En matière de franchisage, la jurisprudence a aussi clairement établi le principe qu’un franchiseur doit, dans ses décisions ,tenir compte des intérêts de ses franchisés et, encore plus, dans les mots mêmes de la Cour d’appel du Québec dans l’importante affaire Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc. « maintenir la pertinence du contrat qui le (« le Franchisé ») lie pour que les considérations motivant l’affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes ».

Si l’on applique ce principe à la question spécifique des ristournes, escomptes et autres sources de revenus d’un franchiseur, cela signifie que de tels revenus pour le franchiseur ne doivent pas empêcher ses franchisés d’acquérir les biens et services requis pour l’exploitation de leurs entreprises à des prix raisonnables et suffisamment bas pour leur permettre de réaliser, en les revendant à des prix concurrentiels, une marge bénéficiaire adéquate qui leur permet de profiter de leur affiliation au réseau de franchises.

Ce principe est encore plus important lorsque, de par leur contrat, les franchisés sont obligatoirement tenus d’acheter leurs biens et services seulement des fournisseurs prescrits par le franchiseur ou, encore, du franchiseur lui-même.

Trois conseils pratiques :

  • Soyez clairs 

Dévoilez clairement, autant dans vos documents de recrutement de nouveaux franchisés que par une clause de votre convention de franchise, le fait que le franchiseur reçoit, et conserve à son propre bénéfice (si tel est le cas), des escomptes, ristournes et autres revenus de la part des fournisseurs du réseau. Si vous réinvestissez ces revenus, ou une partie de ceux-ci, dans votre réseau, ou si vous en partagez une partie avec vos franchisés, ceci devrait tout autant être dévoilé aux futurs franchisés et mentionné dans votre convention de franchise.

  • Soyez raisonnables

Divulgation ou pas, il demeure important que, malgré les montants qui vous sont versés par des fournisseurs, vos franchisés bénéficient de prix concurrentiels à l’achat de leurs biens et services et que, du moins dans une certaine mesure, ils tirent avantage du fait de faire partie d’un réseau de franchises. Le franchiseur doit donc toujours préserver un sain équilibre entre, d’une part, sa volonté de maintenir, et d’améliorer, sa propre rentabilité et, d’autre part, ses obligations (légales et d’affaires) vis-à-vis ses franchisés. Une trop grande gourmandise peut devenir un point de discorde important au sein d’un réseau, lequel pourrait très bien dégénérer en litige judiciaire ou constituer un motif justifiant la constitution d’une association agressive de franchisés.

  • Partagez ou réinvestissez

Une excellente façon d’éviter des difficultés avec vos franchisés en cette matière consiste à partager, de diverses manières, avec vos franchisés les montants que vous recevez des fournisseurs de votre réseau ou, encore, à en réinvestir une partie dans l’amélioration des outils, des ressources et des services que vous offrez à vos franchisés.

Il ne s’agit pas nécessairement ici de remettre des sommes aux franchisés (quoique cela soit aussi une avenue possible), mais d’en utiliser une partie au bénéfice de tout le réseau, par exemple par une contribution spéciale du franchiseur dans le fonds de publicité commun, par des services de formation offerts sans frais ou à coûts réduits, etc. De manière générale, étant une entreprise commerciale, un franchiseur peut tout à fait promouvoir ses propres intérêts, mais doit toujours agir de manière à donner préséance à l’intérêt du réseau dans son ensemble.

Jean H Gagnon  Avocat au cabinet Fasken

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