Un franchiseur peut-il négocier pour recruter ou conserver un franchisé intéressant ?

FBC- Maître Jean H Gagnon
FBC- Maître Jean H Gagnon
Me Jean H Gagnon, avocat du cabinet Fasken à Montréal

 

Pour bien des raisons, la plupart des franchiseurs ne négocient pas, ou très peu, les clauses de leurs conventions de franchise avec un nouveau franchisé.

Qu’en est-il cependant dans le cas où un franchiseur souhaite vraiment recruter un nouveau franchisé fort intéressant ou, encore, dans le cas où un franchisé important du réseau demande des aménagements à certaines clauses de sa convention de franchise avant d’en prolonger ou d’en renouveler le terme?

Jusqu’à quel point un franchiseur peut-il accepter de modifier…

… des clauses de sa convention de franchise pour recruter, ou pour conserver, un franchisé intéressant?

Pas du tout diront certains, quitte à ce que le franchiseur perde un prospect ou un franchisé qu’il aimerait particulièrement recruter ou conserver au sein de son réseau.

Quoique recommandable en théorie, cette approche peut poser un obstacle réel à la croissance d’un réseau.

Le contexte de reprise des activités post-COVID-19que nous vivons aujourd’hui, lequel peut se prolonger pour plusieurs mois encore, accroît la pression sur les franchiseurs de tout mettre en œuvre pour ne pas perdre d’intéressantes occasions de croissance de leurs réseaux, les candidat(e)s intéressant(e)s à une franchise se faisant plus rares et étant aussi de plus en plus coûteux à rechercher et à recruter.

En effet, un franchisé ou un futur franchisé qui est déjà en affaires ou qui possède des ressources substantielles est généralement conseillé par des professionnels expérimentés qui analyser ont les contrats proposés par le franchiseur et y demanderont souvent quelques changements afin de bien protéger les intérêts de leur client franchisé ou futur franchisé.

Voici quelques suggestions

Quant à la manière dont un franchiseur pourrait aborder une telle négociation afin, à la fois, de recruter ou conserver ce franchisé particulièrement intéressant et ne pas compromettre la saine gestion de son réseau ou la qualité de ses relations avec ses autres franchisés :

  1. Tout d’abord, et afin de prévenir des difficultés avec d’autres franchisés ne bénéficiant pas des mêmes aménagements, toute convention de franchise bien rédigée devrait stipuler le droit pour le franchiseur de conclure, avec un ou plusieurs franchisés, des ententes comportant des différences entre elles.

  2. Ensuite, face à des modifications demandées, un franchiseur devrait distinguer entre, – d’une part, (i)les clauses de sa convention qui nécessite une gestion commune et uniforme de l’ensemble de réseau (comme, par exemple, les règles relatives à l’approvisionnement, aux sites Internet, à l’utilisation des marques de commerce, etc.) – et, d’autre part, (ii) celles qui ne nécessitent pas une gestion commune et qui sont propres à chaque franchisé (par exemple, le territoire protégé, la durée du contrat, le nombre et la durée des périodes de renouvellement, la durée de la clause de non-concurrence, les personnes assujetties à la clause de non-concurrence, la cession de l’entreprise franchisée, le mode de détention du bail, les cautionnements requis pour les obligations du franchisé, etc.).
    De manière générale, afin de pouvoir gérer efficacement et uniformément son réseau, un franchiseur ne devrait pas accepter de modifier les clauses nécessitant une gestion commune ou uniforme pour l’ensemble du réseau (sauf dans le cas où la nouvelle franchise se trouve dans un marché tout à fait distinct pour lequel il est possible, sans affecter d’autres franchisés, d’avoir une gestion différente).

  3. Même si, du moins au Québec, aucune loi n’oblige un franchiseur à conclure des contrats identiques avec tous ses franchisés et, par conséquent, qu’un franchiseur a le droit de consentir des aménagements à un franchisé particulièrement intéressant pour son réseau, il demeure important de maintenir une certaine constante et une certaine uniformité pour éviter, dans toute la mesure du possible, des insatisfactions et des frustrations parmi les franchisés du réseau.

    Comment faire? Fondamentalement, en étant en mesure de justifier les aménagements consentis en fonction des valeurs du franchiseur et de son réseau, ainsi que des avantages pour tout le réseau de recruter ou de conserver le franchisé qui en bénéficie.

  4. Pour les mêmes raisons, il est important d’éviter de consentir des changements qui pourraient être perçus comme allant à l’encontre des intérêts du réseau dans son ensemble.

Un exemple d’un tel changement à éviter est le taux de contribution au fonds de publicité commun du réseau.

Exempter un franchisé de l’obligation de contribuer à ce fonds, ou lui consentir une réduction de sa contribution (sauf dans certains cas vraiment spéciaux, tel, pour une période temporaire, en faveur d’un franchisé en sérieuses difficultés financières) est un aménagement à éviter puisque ce fonds n’est pas au seul avantage du franchiseur, mais à celui de l’ensemble de ses franchisés.

De manière générale, nous vous proposons le test suivant pour décider de consentir, ou non, à une modification à votre convention de franchise : Seriez-vous à l’aise si cette modification était connue de tous les franchisés du réseau ?

Si la réponse à cette question est négative, ou si elle soulève des interrogations, réfléchissez sérieusement avant d’y consentir.

Certes, un aménagement particulier au contrat négocié avec un franchisé peut être assujetti à une clause de confidentialité, mais une telle clause n’est jamais une garantie absolue que les autres franchisés ne l’apprendront pas un jour.

L’expérience en franchisage démontre que, pour de multiples raisons, il est extrêmement difficile de préserver pendant plus que quelques mois la confidentialité complète d’une entente avec un franchisé.

Un conseil en terminant : Ne rédigez pas les modifications particulières convenues avec un franchisé dans la convention de franchise elle-même, mais dans une convention d’amendement distincte. Plus tard, cette façon de faire facilitera grandement toute recherche des modifications convenues (qui seront regroupées dans la convention d’amendement) en évitant d’avoir à relire toute la convention pour tenter de les y repérer.

Jean H Gagnon Avocat du cabinet Fasken Montréal

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